Le mari de mon frère : du bon TAGAME
Le mari de mon frère
Éditeur : Akata
Auteur : TAGAME Gengoroh
Date de sortie du 1er volume : 08/09/2016
Nombre de volumes : 4 (série finie)
Prix : 7,95 €
Résumé (4e de couverture du tome 1) :
Yaichi élève seul sa fille. Mais un jour, son quotidien va être perturbé… Perturbé par l’arrivée de Mike Flanagan dans sa vie. Ce Canadien n’est autre que le mari de son frère jumeau… Suite au décès de ce dernier, Mike est venu au Japon, pour réaliser un voyage identitaire dans la patrie de l’homme qu’il aimait. Yaichi n’a pas alors d’autre choix que d’accueillir chez lui ce beau-frère homosexuel, vis-à-vis de qui il ne sait pas comment il doit se comporter. Mais ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? Peut-être que Kana, avec son regard de petite fille, saura lui donner les bonnes réponses…
(Source : site de l’éditeur)
Critique de Le mari de mon frère
J’avais décidé de faire ce titre pour plusieurs raisons dont l’une, l’auteur, TAGAME Gengoroh. Je le connais de nom depuis un bon moment, ayant des amis libraires qui m’en avaient parlé. Puis je me suis dit que pour un auteur tel que lui, faire un manga si grand public sur ce thème… Oui ce thème quelque peu tabou encore aujourd’hui, ça allait forcément m’interpellé. Et me plaire. Connaissant un peu l’histoire de TAGAME, je m’étais d’ailleurs fait la réflexion qu’il était peut-être le mieux placé pour en parler. Oui, parler d’homosexualité aujourd’hui est difficile. De par nos sociétés, nos politiques et le reste, ce sujet arrive petit à petit dans les conversations mais pas comme il le devrait. Il y a les contre et les pour. L’entre-deux existe difficilement alors si une œuvre peut y remédier, pourquoi pas ?
Bien sûr je ne vais pas cacher non plus qu’il y aurait forcément du parti pris. Un auteur lui-même homosexuel, qui parle de ce genre de sujet, ne peut que faire en sorte de le faire accepter aux autres, non ? Pourtant, il s’y prend de la plus belle des manières : en abordant le sujet en famille. Car dans son histoire c’est bel et bien un enfant et un père qui se font les réflexions nécessaires. Et pourtant, pas de rentre-dedans (pardon pour le mauvais jeu de mot), au contraire, tout est fait de façon neutre et simple. D’ailleurs tout cela arrive brusquement dans cette petite famille et au début, la confusion est de mise, comme pour tout. Mais à force de questionnement de belles choses en ressortent.
L’histoire en est même tellement simple qu’on se demande comment on a pas pu en réaliser une de ce genre auparavant. TAGAME Gengoroh a choisi de mettre à parti un père de famille qui n’avait plus aucune nouvelle de son frère. Pour cela, il lui envoie le mari de ce dernier qu’on apprend vite défunt. Un homme qui ferait presque sauvage : Mike, grand, costaud, barbu, un « bears » donc ! Et tout droit venu du Canada ! Résultat, ce sont deux chocs que subit Yaichi : le choc culturel et le fait d’apprendre que son frère s’était marié. À cela s’ajoute sa fille, qui avec son regard enfantin va bousculer leur quotidien avec toutes ses questions et ses remarques.
Autant dire que le quotidien de Yaichi et Kana voient leur vie totalement bousculée. Mais très vite on se rend bien compte que Mike est là pour honorer la mémoire de Ryoji, pour découvrir là où il a vécu, et se faire une place dans ce petit monde. Car de la place il va vite en prendre, et plus que n’aurait plus le penser Yaichi au départ. Ou même Kana qui à l’approche du départ de Mike se sent triste.
En somme, TAGAME Gengoroh nous offre une vision neutre de l’homosexualité en se faisant questionner une petite fille qui apprend que cela existe. Et en bousculant surtout les a priori et préjugés que peut posséder Yaichi, qui avait tourné le dos à son propre frère par le passé quand ce dernier avait tenté son coming out. Autant dire que l’auteur met les pieds dans le plat, tout simplement mais avec finesse. Ici sont abordés aussi bien le deuil, car c’est une nouvelle troublante pour Yaichi, que l’homosexualité et ce que cela comporte au quotidien. D’autant plus au Japon où cela semble vraiment un sujet très délicat en société.
On peut donc dire que les malentendus, les quiproquos et tout le reste sont bel et bien présents au début du récit avant petit à petit de s’estomper face aux explications donnés par Mike, et aux pensées vives de Kana. D’ailleurs cette dernière se retrouvera confronté à la cruauté dont peut faire preuve les autres envers les gens « différents ». Mais c’est son innocence et sa franchise qui permettront de mettre en lumière des situations dans lesquels son père, adulte, se perd. En réalité, ce dernier va s’ouvrir petit à petit, et fera même preuve d’une belle ouverture d’esprit au fil du récit. Comment gérer la venue d’un tel inconnu tout en s’occupant de sa fille ?
Très vite la petite troupe trouvera son rythme, et au final Mike fera parti intégrante de leur quotidien. Jusqu’au jour où ce dernier décide enfin de rentrer. Car ici c’est bien le thème de la séparation qui sera à nouveau mis en avant. Bien que Yaichi et sa fille vivent seule, la mère de cette dernière ne semble jamais bien loin. La séparation est d’abord montré entre le passé et le présent de Yaichi, mais à présent c’est de voir Mike retourner dans son pays qui est délicat. Pour une petite fille comme Kana, plus que le reste, c’est bien cela qui l’attriste.
Mais en réalité, en faisant retourner Mike au Canada, l’auteur finalise son titre. Il aura même pris le temps d’offrir l’aperçu scolaire sur un sujet si tabou, et de marquer les esprits avec des paroles bien placées. À juste titre, il remet en avant les différences. Mais surtout Yaichi a fini par en apprendre d’avantage sur son frère et c’est bien là le cœur même du récit, le reste n’étant qu’un cocon où nos héros évoluent. Ne tomberiez-vous pas sous le charme après tout d’un tel nounours ? La narration permet un au-revoir et non un adieu, ce qu’on apprécie.
Conclusion
Ce titre est rempli de poésie au fil des volumes. Et explique simplement sans arrière-pensée ce qu’est l’homosexualité et comment elle est perçue dans le monde. L’auteur confronte même la vision japonaise à la vision canadienne, beaucoup plus ouverte et libre à ce sujet. Mais surtout il n’épargne aucun personnage. Il reste vif, simple et efficace, avec un dessin qui ne cesse de prendre en terme d’émotion. Tant et si bien qu’à la fin du dernier volume, on en ressort avec le cœur gros comme ça. Pas seulement de tristesse non, mais comme un espoir certain. Peut-être peut-on encore croire aux autres ? C’est sans conteste l’un des messages véhiculés, et parfois, un peu d’espérance cela ne tue pas.
Pour tous ceux qui hésiteraient, il s’agit bien là d’un titre grand public. Sans tabou, sans chichi mais pas vulgaire, bien au contraire. La simplicité n’est-elle pas après tout parfois la meilleure arme ?
Un très bon titre sur le sujet en tout cas que je recommande !
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